Qu'est-ce que la "prévention primaire" ?

Qu’est-ce que la « la prévention primaire »
(en matière de harcèlement moral) ?

Un accord cadre sur le harcèlement moral et la violence au travail vient d'être conclu mais la Cour de Cassation a récemment pris des décisions qui devraient étendre la notion de harcèlement moral aux formes d’organisations du travail. Dans ce contexte il faudra rendre visible et appréhendable, l'obligation de sécurité qui devra peser sur les employeurs pour que la prévention primaire devienne une réalité.

LES JUGEMENTS DE PLUS EN PLUS PRECIS :

Jusqu'à  récemment, les juges avaient surtout sanctionné les agissements intentionnels constitutifs de harcèlement moral, tels que mentionnés dans la loi dite de modernisation sociale (2002). Depuis, la jurisprudence évolue, a priori, différemment. Plusieurs arrêts de la Cour de Cassation - depuis novembre 2009 - semblent ne plus considérer le harcèlement moral comme nécessairement intentionnel. Ce n’est pas une mince évolution ! En effet l'organisation du travail peut être mise en cause. « Les méthodes de gestion mises en œuvre  par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral », précise ainsi la Cour de Cassation, dans un arrêt, le 10 novembre 2009.

Dans ce contexte, ce ne sont pas tant les méthodes de gestion qui peuvent être sanctionnées, mais le caractère harcelant de celles-ci : injonctions paradoxales, pressions incessantes, mises à  l'écart, etc.

Sur le plan juridique, cet arrêt ne change pas radicalement la donne mais elle désigne la « personne morale » - autrement dit, l'entreprise - qui, plus que jamais, ne doit pas faillir à  l'obligation de sécurité de résultat. Celle-ci contraint  tout employeur à  assurer la protection de la santé mentale et physique de ses salariés, et à  en assurer la sécurité. Par cette obligation, les entreprises doivent donc prendre toute mesure utile de prévention, d'information et de formation. Elles doivent également mettre en place une organisation de travail adaptée, en veillant à  ce que ne survienne aucun événement susceptible de mettre en danger les collaborateurs. Il faudra donc obliger les employeurs à mettre en place des conditions de travail qui ne soient pas génératrices de harcèlement moral. Il conviendra aussi de mettre en lumière la responsabilité de l'employeur, et pas seulement celle des managers.

La « prévention primaire ».

Si elles ne veulent pas accumuler les condamnations, les entreprises auront tout intérêt à  mettre sur pied de véritables plans d'actions. Les Directions générales ou les DRH doivent comprendre que les méthodes managériales pratiquées en interne sont susceptibles d’être condamnées sévèrement. Les pratiques « toxiques » seront bannies et la promotion d’un management respectueux des individus devra être lisible. Bien souvent, les situations de harcèlement moral naissent dans des organisations où tout le monde est mis sous pression. Bien souvent, l’encadrement intermédiaire est mis en situation de harceler pour échapper ou tenter d’échapper aux « pressions qui viennent d’en haut ». En quoi consiste la prévention primaire ?

Si l'on se réfère à  la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la prévention primaire est« l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour empêcher l'apparition d'un trouble, d'une pathologie ou d'un symptôme».

Cette démarche consiste à  identifier les dangers dans les situations de travail, afin de les supprimer pour éviter l'accident ou la succession d’incidents. Il faut agir sur l'organisation et les conditions de travail :

la charge de travail (physique et/ou mentale), sa répartition ;

l'autonomie des salariés, les moyens pour accomplir son travail ;

les horaires ;

les conséquences des styles de management stressants, les changements permanents d’organisation ; 

-         etc.

Tous ces points sont déterminants. Mais il faudra vaincre les résistances de bien des employeurs car la prévention primaire représente une démarche de longue haleine, supposant une mobilisation des ressources humaines et techniques mais aussi financières des entreprises. Au nom de la compétitivité, des « réglementations déjà lourdes », au nom de la « culture d’entreprise », nombre de systèmes sont - plus ou moins consciemment – au-delà de l’acceptable (quand le stress management n’est pas une volonté délibérée de l’entreprise !). Enfin, s’il doit y avoir action judiciaire, il conviendra de ne pas tomber dans le piège du « suzerain qui ignore ce que font ses seigneurs ». Nul doute que des personnels d’encadrement peuvent mettre un zèle particulièrement fort à harceler. Il n’en reste pas moins vrai que la Direction Générale, la Direction du groupe, les services RH ne peuvent ignorer « ce qui se passe en dessous ». Si c’est le cas, c’est déjà condamnable et ne peut être que temporaire. Le rôle des représentants au C.H.S./C.T. (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) est donc essentiel. Il ne s’agit pas (il ne s’agit plus) de faire des constats mais d’analyser pour comprendre, faire remédier et – à défaut – faire condamner lorsque les « directions » restent sourdes ou ne veulent pas entendre.      

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