Le leurre des heures : celles que l'on fait et qui ne sont pas payées !

Publié le par Gérald Fromager

Le leurre des heures : celles que l’on fait et qui ne sont pas payées !

 

Il est courant, désormais, d’évoquer les aspects de stress au travail et d’un des éléments qui en est une cause forte : le nombre d’heures de travail. Il y a celles que l’on peut compter et celles qui ne comptent pas !

Dans la seconde catégorie, il y a les salariés « au forfait ». Riche idée qu’a eu le patronat de créer une catégorie de salariés à qui il a faire croire que leur travail n’avait que peu de rapport avec le nombre d’heures pour le réaliser ! Pire, en leur donnant un « forfait ’heures », l’employeur leur explique qu’il s’agit là d’un avantage, d’une distinction, reposant sur la confiance mutuelle.

 

Dans la première catégorie, il y a tous ceux qui « pointent » ! Pardon ! On ne pointe plus maintenant, ON BADGE !

 

Problème pour l’employeur : Le nombre d’heures réelles apparaît informatiquement.

Problème pour le salarié : Ce n’est pas lui qui décide de faire des heures supplémentaires mais son patron qui décide pour lui. Ces heures là ne seront donc pas rémunérées, pas même en « heures normales », MAIS ! ELLES APPARAISSENT !

 

Une enquête récente (31/12/2009) rapporte que dans une grande entreprise, sur 500 personnes « badgeantes », 50% dépassaient de 6 heures par mois le temps de travail officiel et que 25% allaient au-delà de 20 heures par mois. Ces milliers d’heures cumulées, mois après mois, sont donc du TRAVAIL GRATUIT (« Travailler plus pour gagner la même chose !»...). En effet, elles ne sont pas payées, non récupérables : c’est cadeau pour le patron !

 

Alors les DRH ont inventé « l’écrêtage ». En clair, les « pointeuses-badgeuses » et autres gestionnaires informatisés du temps de travail sont programmées pour le nombre d ‘heures « autorisées » par l’employeur et les autres « disparaissent » miraculeusement. La présentation faite par ces mêmes DRH (pour le compte des employeurs, précisons-le) est « d’agir pour régulariser les pratiques ». Faire croire qu’elles luttent pour que les salariés ne s’auto-exploitent pas ! Tu parles ! En fait, c’est « cachez-moi ce surnombre d’heures de travail que je ne saurai voir » ! Les entreprises de service sont les plus coutumière du fait alors que tout le monde sait bien que le « phénomène » des ces horaires à rallonge provient du manque d’effectifs, du refus d’embaucher, de la non compensation des départs en retraite, de l’accroissement de la productivité.

 

Si les DRH sont mobilisées pour cacher ces heures de travail gratuit devenues coutumières du fait que les agents publics ou salariés du privé ne peuvent plus « tout faire dans le temps imparti » c’est que les employeurs sont légalement responsables des conséquences de  e surmenage permanent.

 

L’article L4121-1 du Code du Travail précise que :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1°) des actions de prévention des risques professionnels ;

2°) Des actions d’information et de formation ;

3°) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

 

On est là bien loin de la seule technique informatique qui fait disparaître les « heures en trop » par écrêtage !

 

 

Note juridique :

 

        La dépression liée aux conditions de travail

Le stress est la cause de bien des maux dans le monde du travail. Ainsi, même le Ministre du

Travail, déclare placer le stress comme une problématique centrale dans l’entreprise. La loi, elle, impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires de prévention.

 

Jugement récent de la Cour de cassation :

Une salariée employée en tant que secrétaire depuis vingt ans subit une dégradation des conditions de travail à la suite d’une restructuration de l’entreprise. Elle fait grief à son employeur d’une réduction de ses responsabilités, d’une mise à l’écart, de malaise au sein de l’entreprise à la suite d’un entretien professionnel. Après un refus de formation puis de mutation au sein d’un autre établissement, elle se trouve en arrêt de travail « névrose traumatique avec retour en boucles, angoisse, insomnies réactionnelles » et est prise en charge en psychothérapie. Au terme des examens médicaux, les services de santé confirment le lien entre l’état de santé de la salariée et la dégradation de ses conditions de travail à la suite de la restructuration de son entreprise. La salariés est déclarée inapte par le Médecin du Travail, puis licenciée pour « impossibilité de reclassement ».

 

L’employeur est condamné car il a méconnu son obligation de sécurité de résultat puisque, malgré le fait que la salariée avait dénoncé la dégradation de ses conditions de travail et en conséquence de son état de santé, ce dernier n’avait pris aucune mesure afin de résoudre ces difficultés.

 

La Cour de cassation valide ce raisonnement. La salarié voit sa demande d’indemnisation accueillie, dès lors que « l’altération de la santé de la salariée résultait de la dégradation de ses conditions de travail et des pressions imposées par la restructuration de son entreprise », l’employeur « qui avait pourtant été alerté par plusieurs courriers de celle-ci », mais «n’avait pris aucune mesure pour résoudre les difficultés qu’elle avait exposées », avait manqué à l’obligation de sécurité de résultat qui lui incombe.

 

Cette jurisprudence permet de laisser un espoir à de nombreux salariés dépourvus de preuve quant à un éventuel harcèlement moral puisqu’ils pourront désormais demander une indemnisation en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Cassation sociale -  17 février 2010 - n° 08-44.298 - Sté CDF  contre Charbonnier

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